Les 20 ans de la crue de décembre 2003 en Loire, une crue importante mais pas exceptionnelle

En décembre 2003, suite à un événement cévenol de pluies intenses, les bassins de l’Allier et de la Loire jusqu’en Loire moyenne ont été marqués durablement par une des crues les plus importantes de ce début de siècle. Vingt ans plus tard, le SPC Loire-Allier-Cher-Indre vous propose une rétrospective de cet événement majeur.

Un long épisode cévenol de très forte intensité

La crue de décembre 2003 a pour origine un épisode extensif de précipitations cévenoles de très forte intensité et de durée particulièrement longue, qui a particulièrement touché les hauts bassins de la Loire et de l’Allier du 30 novembre au 3 décembre avant de se propager en Loire moyenne et aval jusqu’au 14 décembre. L’ampleur spatiale des fortes précipitations n’a pas épargné les affluents.

Carte Météo-France des cumuls de précipitation entre le 30 novembre et le 4 décembre 2003 | Météo-France

Sur le territoire actuel du SPC Loire-Allier-Cher-Indre, cet épisode de pluies les plus intenses venues de Méditerranée a apportés les cumuls les plus importants sur les têtes de bassin de la Loire et de l’Allier avec plus de 200 mm, voire plus de 300 mm cumulés sur les crêtes. Des cumuls supérieurs à 100 mm sur l’épisode complet ont remonté jusqu’au Bourbonnais côté Loire, et côté Allier en touchant les principaux affluents (l’Alagnon, la Dore et l’amont de la Sioule).

Cumuls des précipitations en 4 jours, du 30/11/2003 à 6h UTC au 4/12/2003 à 6h UTC, sur le territoire du SPC Loire-Allier-Cher-Indre (données Comephore Météo-France) | DREAL Centre-Val de Loire, d’après Météo-France

Des conséquences hydrologiques dommageables jusqu’en Loire moyenne

La Loire en amont de la confluence avec l’Allier

Suite à ces pluies intenses, des débits jamais atteints depuis 1907 furent observés à la sortie de la plaine du Forez : on enregistra ainsi 2 800 m³/s à l’entrée du barrage de Villerest, soit une période de retour estimée de 50 ans. Ces valeurs ont été dépassées depuis par celles de la crue de novembre 2008, encore plus violente en Loire amont.

Vidée en prévision de travaux, la retenue du barrage de Villerest permit d’écrêter notablement la crue, limitant le débit à 1 600 m³/s à la sortie du barrage (soit une période de retour de 5 ans).

Écrêtement de la crue par le barrage de Villerest, le 3 décembre 2003. À noter en amont un important apport de troncs et de bois de toutes sortes. | DREAL Centre-Val de Loire

Les barrages : un rôle modéré de stockage mais certain

  • Le barrage des Fades sur la Sioule amont (affluent de l’Allier) stocka la crue amont malgré la pointe autour de 170 m³/s.
  • Le barrage de Rochebut en marge de l’épisode écrêta tout de même 2,5 millions de m³, sur le pic de crue du Cher amont (débit entrant estimé autour de 70 m³/s).
  • Le barrage du gouffre d’enfer sur le Furan (affluent de la Loire amont) fit de même sur les pluies du 2 décembre avec un marnage de plus de 20 m.
  • Le barrage de Grangent n’eut que peu d’influence sur la crue vu sa côte à 2 m du maximum.
  • Le barrage de Villerest, très bas suite à l’été et la sécheresse sévère encore récente pour soutenir le volume des eaux de la Loire, est en capacité d’effacer une bonne partie de la pointe de crue de la Loire amont. Avec près de 130 millions de mètres cubes stockés c’est un abattement de la pointe de crue de plus de 1 000 m³/s qu’a pu assurer l’ouvrage piloté par l’EPL, réduisant substantiellement les conséquences en aval. À noter, cet événement de décembre 2003 est le plus fort enregistré alors à Villerest depuis sa construction.

Ce débit s’est ensuite renforcé avec les apports des affluents du Morvan, et a atteint près de 2 000 m³/s Gilly-sur-Loire, et 2 200 m³/s à Nevers (soit une période de retour proche de 20 ans). Cette crue provoqua des désordres notables en Loire bourguignonne : inondations de quartiers d’habitations à Digoin ou Decize, problème d’approvisionnement en eau potable à Nevers…

La Loire prend ses aises sur le Quai des Mariniers, à Nevers en décembre 2003 et hydrogramme de la station de Nevers | DREAL Centre-Val de Loire, Hydroportail

L’Allier et ses affluents

Sur l’Allier, l’évènement Cévenol a concerné significativement la partie amont du cours de l’Allier, son bassin intermédiaire, la vallée de l’Alagnon, la vallée de la Dore et la Sioule en moindre mesure.

Sur l’Allier, la crue importante de fréquence vicennale (qui 1 chance sur 20 de se produire chaque année), en moyenne sur l’Allier moyen et aval, s’est située entre la crue de 1973 et celle de 1943, mais est restée largement inférieure aux crues historiques du XIXe siècle.

L'Allier en crue à Lavoûte-Chaillac, le 4 décembre 2003 à 16h12 | DIREN Auvergne

Inondation dans le quartier de la Pergola à Vichy le 05 décembre 2003, en aval immédiat du pont-barrage (rive droite) | DIREN Auvergne / Héli Volcan

Rupture de la digue près de l'A71, le 4 décembre 2003 (rive droite) | DIREN Auvergne / Héli Volcan

L’incidence de la neige dans ce type d’épisode cévenol

Au-delà des phénomènes d’atténuation provoqués par les rideaux de neige floconneuse et d’effondrement de l’image radar lié au cumul important sur le radôme, qui peuvent perturber le suivi de l’événement par les prévisionnistes (météo comme SPC), la neige qui peut parfois s’inviter sur ce genre d’épisode, peut avoir un effet modérateur, car les précipitations solides (sous forme de neige) ne contribuent pas au ruissellement et donc à renforcer la crue.
 
Sur l’Allier principalement, la couche de neige importante du 03 décembre 2003, arrivée dans l’air froid, a eu un rôle majeur dans l’atténuation du second pic de crue en reportant la lame d’eau à la décrue du lendemain, lors de la fusion durant l’après-midi plus chaud. Sur la Loire amont moins concernée par la seconde poussée cévenole du 03 décembre qui s’achève en neige, l’effet est moins sensible.

La Loire moyenne

La quasi-concomitance de la crue d’amont de la Loire et de celle de l’Allier, engendre alors une onde de crue marquante en Loire moyenne, qui provoqua là aussi quelques désordres, principalement dans les départements de la Nièvre et du Loiret : inondation des bas quartiers de Fourchambault, de l’île de la Charité, de l’aval des vals de la Charité et de Léré-Bannay, inondation partielle du val de Gien… En effet, c’est dans le Loiret que les débits ont été les plus forts avec un maximum de 3 400 m³/s à Gien (période de retour proche de 20 ans) avant de s’atténuer légèrement avec la propagation aval à la vitesse moyenne de 4 km/h.

Onde de propagation en Loire moyenne (extrait du bilan hydrologique de la DIREN basé sur les débits CRISTAL observés à l'époque) | DIREN Centre

Sans renforcement marquant des affluents de la Loire moyenne, la crue deviendra quinquennale en sortie du périmètre LACI puis annuelle dans le saumurois.

Ensuite, les débits ne furent plus suffisants pour provoquer des dégâts généralisés, a fortiori à l’aval du Cher (de 3 400 m³/s à Gien à 2 800 m³/s à Langeais) qui n’était pas lui-même en crue.

Un événement d’une telle importance en Loire moyenne n’a plus été observé depuis. Il faut remonter à 1926 pour observer des niveaux similaires sur ce secteur ; cependant, les débits furent certainement plus faibles, du fait de l’enfoncement du lit qui n’avait pas encore atteint son ampleur actuelle.

Crue de la Loire à Orléans, le 8 décembre 2003 à 10h25, à l'échelle limnimétrique du pont Georges V à Orléans | DREAL Centre-Val de Loire

De l’annonce de crues à la vigilance crues

Lors de cet événement, l’État assurait seulement l’annonce de crues, le site Vigicrues n’existant pas encore (lancement en 2006). Ces annonces consistaient en l’envoi, par département (et non par bassin hydrographique), d’avis de crues constatées par les SAC (service d’annonce de crues) là où les seuils d’alerte à des stations hydrométriques étaient dépassés.

Depuis, l’annonce de crues s’est transformée en prévision des crues. Les SAC sont devenus des SPC (services de prévision des crues, dotés d’un devoir d’anticipation) avec une publication sur le site Vigicrues d’une carte de vigilance crues dans les prochaines 24h, d’un bulletin d’information et de données temps réel associées à la prévision lors des évènements.

Cartes fictives de vigilance crues qui correspondraient aux niveaux atteints par la crue de décembre 2003 | DREAL Centre-Val de Loire, SPC Loire-Allier-Cher-Indre

La carte ci-dessus présente la couleur qu’auraient pu présenter les tronçons surveillés actuels compte tenus des niveaux atteints lors de la crue de 2003. Les débits correspondraient actuellement à une vigilance orange sur la majeure partie du territoire surveillé, voire rouge pour les tronçons de la Loire charolaise et de la Loire nivernaise.

Les débuts de la prévision

En 2003, le suivi de la crue avait mobilisé quatre personnes de la DIREN Centre à Orléans (trois prévisionnistes et un responsable en charge de la communication), un à deux agents en SAC 43 (le Puy-en-Velay) et SAC 63 (Clermont-Ferrand), et deux agents en SAC 58 (Nevers).
 
Pour assurer la production des avis de crue et les états d’alertes, de premières prévisions événementielles étaient réalisées en Loire moyenne. À l’époque, la synchronisation du relevé des stations CRISTAL avec les plateformes de modélisations était une étape complexe. En 20 ans, les outils aujourd’hui intégrés dans des chaînes complètes de prévision ont fortement progressé et se sont diversifiés.

Prévisions à Blois, extraite du rapport hydrologie-prévisions du SAC45 | DIREN Centre

Des jaugeages par l’hydrométrie nécessaires à la vérification des débits

Le lit des rivières est en perpétuelle évolution sous l’influence de facteurs naturels (végétation, érosion et dépôt de sédiments, saltation en crue…) ou anthropiques (ouvrages de navigation, extractions de granulats…). Par conséquent pour un même débit, la hauteur d’eau à une station peut évoluer dans le temps. Les courbes de tarage doivent donc être constamment réactualisées. Les crues sont aussi une opportunité d’explorer les débits transitant à grande hauteur.

Des niveaux d’eau aussi importants n’avaient pas été observés depuis au moins 1996 sur la Loire. Les équipes de jaugeurs de la DIREN s’étaient donc mobilisés de jour comme de nuit pour saisir le maximum de pics de crues. Durant la crue, c’est plus de 35 jaugeages qui ont été réalisés par la DIREN Centre.

D’autres jaugeages ont été effectués par les services d’hydrométrie des autres DIREN du bassin. Dans certains cas, il devient impossible d’effectuer ces mesures sans risques humains en raisons de vitesses trop importantes.

Jaugeage ADCP en bateau à Roanne, le 3 décembre 2003 | DIREN Centre

Sur les traces de la crue de décembre 2003

Les niveaux atteints par la crue de décembre 2003 ont été matérialisés sous forme de marques tout le long de la Loire et de l’Allier. Retrouvez ces repères de cette crue sur la plateforme des repères de crues.

Exemples de repères matérialisés de la crue de décembre 2003 à Gilly-sur-Loire (à gauche) et à Nevers (à droite) | Plateforme des repères de crues

Quelques repères marquants :

Ressources

En savoir plus

Bibliographie

  • 2003, DDE 63, Rapport sommaire de la crue du 29/11/2003 au 08/12/2003
  • 2004, DIREN Centre - Service d’Annonce de Crues Loire moyenne, Crue du 3 au 12 décembre 2003 - Bilan hydrologique en Loire moyenne
  • 2015, DREAL Centre-Val de Loire - Service de Prévision des Crues Loire-Cher-Indre, "Souvenons-nous : c’était décembre 2003…"

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